Il faut savoir qu’en France, c’est l’éditeur qui fixe le prix d’un titre. Ensuite les librairies et sites de vente en ligne doivent, tous sans exception, vendre le livre à ce prix.
Jusqu’en 1979, la pratique qui domine pour fixer le prix du livre est celle du prix conseillé par l’éditeur aux points de vente (d’abord maximum, puis minimum). Le libraire est donc libre ou non de suivre ce prix conseillé et de le modifier lui-même au besoin.
À partir de 1979, le prix du livre se retrouve totalement libre et plus aucun prix n’est indiqué aux points de vente de la part de l’éditeur. Cela pose problème car les grands points de vente comme la FNAC peuvent ainsi abaisser le prix du livre sans restriction, mettant alors en danger les librairies indépendantes ne pouvant faire concurrence.
Il faut attendre deux ans (de lutte de la part de librairies indépendantes et de certains éditeurs tel que Les éditions de Minuit), pour que soit adoptée la loi du prix unique du livre : La loi Lang du 10 août 1981. (Plus d’infos 👉 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000517179/)
Cette loi, encore très importante aujourd’hui pour défendre la diversité dans le marché du livre, assure à l’acheteur le même prix sur tout le territoire, quelque soit le type de commerce auquel il a accès (librairies indépendante, grand groupe, supermarché et même internet 😉)
Maintenant que nous avons vu les bases, allons du côté de l’éditeur et voyons comment faire pour calculer ce prix ?
Eh bien l’outil le plus important est le calcul du « point mort », c’est-à-dire le moment où l’éditeur aura vendu assez de livre pour rembourser la totalité des frais engagés, et ainsi commencera à toucher un bénéfice.
Pour calculer ce point mort, l’éditeur utilise un tableau qui comporte les même éléments suivant :
– le nombre d’exemplaires que l’on pense tirer ;
– le coût de l’impression de ces exemplaires ;
– les coûts liés à la création du livre avant l’impression (droits d’auteurs, maquette, correction… L’ensemble des prestataires extérieurs à la maison d’édition) ;
– les différents frais de transport.
Par exemple, un tirage de 1 500 exemplaires avec un coût de fabrication de 3 115€ donne un prix de fabrication unitaire de 2,07€.
Avec ces premières informations l’éditeur va pouvoir obtenir le coût du livre à l’unité et va ensuite pouvoir tenter de mettre un prix sur le livre, nécessaire au calcul final du point mort.
Tips : Une bonne manière pour commencer à estimer ledit prix est de multiplier le coût d’impression par 7.
Le calcul du prix se fait aussi en fonction du type de livre (souple ou non), du genre (roman ou BD), du public visé (adulte ou enfants)…
L’éditeur n’est pas totalement libre, il ne peut pas mettre un prix trop différent de ce qui se fait chez les autres éditeurs. Il doit donc bien connaître le marché. En effet, le prix du livre est également soumis à un « prix psychologique », autrement dit ce que le lecteur considère rentable ou non quand il achète un livre en fonction de son aspect et de son prix.
Par exemple, un acheteur a plus de facilité à acheter un roman de grand format à 20€, alors qu’une bande dessinée du même prix aura plus de mal à les convaincre (selon le ratio texte/nombre de pages). Pourtant une bande dessinée coûte plus cher à la fabrication ! Ce prix psychologique permet donc à certains éditeurs d’avoir une plus grande marge en fonction du produit proposé que d’autres.
Une fois que l’éditeur a sélectionné un prix qu’il juge adapté au marché et à ses collections, il le rentre dans ce fameux tableau. Le point mort est à l’intersection des deux droites. Plus le point mort est bas, plus il sera facile à atteindre. 30 à 40% est un bon objectif.
Pour revenir sur notre exemple, le prix obtenu après multiplication est de 14€. En rentrant ce prix dans notre tableau, nous voyons que le point mort est aux alentours de 50%. Le risque est donc de moitié. L’éditeur pourrait alors faire le choix d’augmenter encore un peu son prix afin de réduire ces risques, mais ici le prix psychologique fait que passer ce livre au-delà des 14€ pourrait être un élément de dissuasion pour certains lecteurs. Afin de garantir la meilleure accessibilité, l’éditeur a fait le choix de rester à 14€.
Il faut néanmoins garder à l’esprit que le contexte actuel est de plus en plus propice aux risques. Les chiffres de placement ont plutôt tendance à diminuer et les retours à augmenter, les point morts dits « acceptables » et les risques associés sont de plus en plus hauts… L’éditeur risque donc de devoir augmenter les prix pour garder un semblant d’équilibre.